La Russie, clé de voûte des intérêts actuels et de la stratégie de TotalEnergies

Loin d’être limités comme le laisse entendre la direction du groupe, les intérêts de TotalEnergies en Russie sont absolument cruciaux quant à l’avenir industriel et financier du groupe, comme le montrent les données disponibles.

Face à l’invasion de l’Ukraine, le PDG de TotalEnergies, Patrick Pouyanné, a d’abord tenté de minimiser l’importance des activités de son groupe en Russie : « 3 à 5% de ses revenus totaux ». Suite aux décisions de Shell, BP, Eni, Equinor et désormais Exxon, de se séparer de leurs participations dans plusieurs projets communs avec des entreprises russes, TotalEnergies a refusé d’en faire autant, se limitant à annoncer ne plus investir dans de nouveaux projets, tout en affirmant rester en Russie (1).

Le T-lab et l’Aitec montrent dans une note, disponible en français et anglais, que les intérêts de TotalEnergies en Russie sont bien plus significatifs que ne le laisse entendre la communication de crise de la direction de TotalEnergies. Les intérêts russes de TotalEnergies, notamment gaziers, ont même vocation à s’étendre très fortement dans les années à venir, pour occuper une place prépondérante : sans la Russie, c’est sans doute le coeur même de la stratégie industrielle de TotalEnergies qui perd son sens.

Sortir du charbon : une nécessité difficile, jusqu’en Europe

Après la COP26, Inde et Chine ne sont pas les seuls à freiner. Et le Traité sur la charte de l’énergie permet à l’industrie charbonnière les moyens pour facturer la transition au prix fort.

La COP26 s’est conclue par le Pacte de Glasgow pour le climat dont la majorité des observateurs s’accordent à conclure qu’il est fort décevant.

Mais tout le monde n’a pas la même analyse concernant cet échec : le président de la COP A. Sharma, imité par la majorité des ministres et des négociateurs occidentaux, s’est empressé de blâmer la Chine et l’Inde d’avoir forcé à l’affadissement ultime d’un texte déjà bien tiède, en exigeant de substituer au sein du document final la “réduction graduelle” à l’“élimination progressive” du charbon.

Façon de se poser en leaders responsables, exemplaires, empêchés d’avancer par l’archaïsme des orientaux. Écran de fumée, aussi, pour occulter leur refus de soutenir la création d’un mécanisme digne et juste en compensation des dommages irréversibles occasionnés par le changement climatique dans les pays pauvres. Mais le charbon est-il une énergie du passé sous nos latitudes ?

C’est loin d’être garanti car les charbonniers ont les moyens de ralentir, bloquer et/ou renchérir les politiques de sortie du charbon. C’est le cas partout dans le monde, par le truchement des milliers d’accords bilatéraux d’investissement qui protègent les détenteurs de capitaux étrangers. En Europe, ce privilège s’appelle le Traité sur la Charte de l’énergie (TCE).

Montagne d’Or : l’arbitrage d’investissement au secours de Nordgold

L’investisseur russe porteur du projet minier réclame 4 milliards € de réparation à la France

En mai 2019, à l’issue du premier Conseil de défense écologique, le ministre de laTransition écologique, François de Rugy, avait affirmé que le projet de “Montagne d’Or” ne se ferait pas. Position confirmée par la suite par ses successeurs et par l’Elysée. Mais les promoteurs de la Montagne d’Or n’ont pas dit leur dernier motet le projet est loin d’être enterré : le site spécialisé IA Reporter vient en effet de révéler le 16 octobre dernier que l’entreprise russe Nordgold, par l’entremise de ses deux actionnaires majoritaires, a formellement initié un contentieux arbitral contre la France à ce sujet en juin 2021.Le contentieux est lié au refus de l’Etat français, en janvier 2019, de prolonger la concession minière “Paul-Isnard” où est proposé le projet de mine industrielle de la Montagne d’Or. La société, légalement enregistrée à Londres et détenue par deux holdings russes contrôlées par le même actionnaire, estime que la décision de mettre un terme à la concession contrevient aux obligations internationales de la France au titre du traité bilatéral d’investissement France-Russie. Elle réclame près de 4 milliards d’euros en réparation à l’annulation d’un projet dont elle espérait qu’il rapporterait au moins 3 milliards d’euros à terme. Mais dont la première brique n’a jamais été posée.

Les COP peuvent-elles organiser la sortie des énergies fossiles ?

Comment programmer la sortie des énergies fossiles alors que celles-ci ne font pas partie de la négociation sur le changement climatique ?

Est-il possible de contenir le réchauffement climatique en deçà de 1,5°C ou 2°C comme le prévoit l’accord de Paris dans son article 2 sans ne jamais évoquer les énergies fossiles pourtant à l’origine de près de 90% des émissions mondiales de CO2 ? Non. Ce serait extravagant et insensé. C’est pourtant ce que fait l’Accord de Paris sur le climat. Cet accord finalisé lors de la COP21 en 2015 ne comporte aucune mention des « énergies fossiles ». Plus généralement, les négociations climatiques internationales ont mis de côté les enjeux de production des énergies fossiles depuis près de 30 ans. Comme si les Etats s’étaient mis d’accord pour discuter des symptômes, les gaz à effet de serre relâchés dans l’atmosphère, sans traiter les causes, ces quantités astronomiques d’énergies fossiles (charbon, gaz et pétrole) qui alimentent notre insoutenable économie mondiale.

t-lab analyse cet événement à la lumière des mobilisations pour le climat qui se développement depuis près de quinze ans, et s’interroge sur les mutations institutionnelles et légales à opérer pour que la question de l’offre s’impose enfin dans les négociations climat.